Il avait tellement insisté que j'avais fini par accepter de poser pour lui. Lorsqu'Alice le sut, elle me mit en garde. Elle-même l'avait déjà fait et ne s'en était pas vraiment remise.
Dans le capharnaüm de son atelier, il trouva un vieux tabouret sur lequel il me pria de m'asseoir, nue, de préférence. Je n'en étais pas à mon coup d'essai, tous les peintres pour lesquels
j'avais posé exigeaient la même chose. Je m'exécutais tandis qu'il installait sur son chevalet une grande toile vierge. Il me demanda de lui tourner le dos, de placer ma main comme cela, de
laisser pendre l'autre, défaire mes cheveux et les rassembler sur l'épaule gauche, de ne plus bouger. Quand il eut fini son affaire, moins de cinq minutes plus tard, je lui demandais si je
pouvais voir son travail. Il accepta sans rien exprimer.
Alice, quand elle avait posé pour lui trois heures durant, et après qu'elle avait demandé à voir son portrait, elle éclata de rire. Rien dans sa peinture ne la représentait : il avait peint une
petite maison à la campagne. Il me semblait que je m'en sortais mieux.